La CSG sur les revenus de l'assurance-vie va être prélevée chaque année, et non plus au dénouement des contrats. Une taxe exceptionnelle est prévue pour les assureurs ayant constitué des réserves de capitalisation en franchise d'impôt. Les complémentaires santé sont mises à contribution. Un gain de 3,2 milliards d'euros pour les comptes publics.
Placement préféré des Français, l'assurance-vie va être appelée à contribution pour rembourser la dette de la Sécurité sociale. A la question de savoir si les avantages fiscaux sur l'épargne étaient menacés, François Fillon a ainsi confirmé hier sur France Inter « un certain nombre de mesures » sur l'assurance-vie, pointant des « anomalies » et des « différences de fiscalité » entre les contrats. Ce plan d'économies, qui doit être officiellement présenté demain par FrançoisBaroin, permettra d'alimenter la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à hauteur de 3,2 milliards d'euros par an en moyenne. C'est à peu près autant que ce qui a été annoncé mi-juin pour financer la réforme des retraites. Mais ce plan risque de provoquer encore plus d'émoi : conçue comme un moyen de préparer sa retraite et comme un levier essentiel au financement des entreprises, l'assurance-vie séduit pas moins de 14,5 millions de Français et représente 41 % de leur patrimoine financier.
Deux prélèvements sur l'assurance-vie. Comme nous l'indiquions (« Les Echos » du 20 août), la CSG et la CRDS vont être prélevées au fil de l'eau, et non plus au dénouement des contrats, pour les parties non risquées (en euros) des contrats d'assurance-vie. Cela est déjà le cas des contrats exclusivement en euros, mais pas des contrats combinant euros et actions (multisupports) soit 17 % des contrats. C'est, pour Bercy, un principe « logique », qui consiste à taxer les revenus définitivement acquis, en épargnant ceux devant varier avec les cours de Bourse. La mesure ne constitue pas une réelle hausse d'impôt, car ce sont des taxes qui auraient été prélevées au dénouement des contrats. Mais elle apporte une avance de trésorerie de 1,6 milliard pour l'Etat. La mesure n'est pas rétroactive : elle ne frappe donc pas les intérêts perçus au cours des années précédentes. Mais elle s'applique aux contrats déjà conclus.
Le gouvernement veut également fiscaliser les bénéfices que les assureurs sont tenus de placer dans la réserve de capitalisation pour amortir les fluctuations des taux d'intérêt. C'est une obligation légale, qui ne justifie donc pas d'incitation fiscale, estime Bercy. Les assureurs vont devoir payer une taxe exceptionnelle de 10 % entre 2011 et 2012, soit un gain de 1,4 milliard d'euros pour l'Etat, afin de rattraper le manque à gagner fiscal sur les années passées. Les plus-values futures seront prises en compte dans le calcul de l'impôt sur les sociétés, pour abonder le budget de l'Etat.
· Un prélèvement sur les mutuelles. Le gouvernement va réduire l'avantage fiscal des « contrats responsables ». Créés en 2005, ils visaient à inciter les complémentaires santé (mutuelles, assureurs, institutions de prévoyance) à ne pas rembourser des pénalités mises en place pour limiter les dépenses de santé. Par exemple le respect du parcours de soin ou les franchises sur les boîtes de médicaments. Or, les contrats responsables représentent aujourd'hui la quasi-totalité des contrats d'assurance-maladie complémentaire (95 %). Ils sont tellement répandus qu'il n'y a plus vraiment lieu de maintenir l'exonération de la taxe sur les conventions d'assurance (7 %), argumente l'exécutif. Le gouvernement a tout de même décidé de maintenir une différence avec les contrats « non responsables », en instituant un taux intermédiaire de 3,5 %. Le gain pour l'Etat est de 1,1 milliard d'euros. La taxe sur les conventions d'assurance, normalement affectée aux départements, sera donc en partie dirigée vers la Cades. « Les complémentaires risquent fort de répercuter cet alourdissement de la fiscalité, au moins partiellement, dans les prix des contrats » regrette Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité Française. Un effet pervers pour le portefeuille des assurés que le gouvernement se garde bien d'évoquer pour l'instant.
· Les cinquantenaires aisés sont les plus concernés. La détention d'assurance-vie est relativement faible en début de vie active, l'horizon de la retraite étant encore loin et les besoins des ménages plutôt centrés sur l'acquisition du logement et les besoins familiaux. Elle croît avec l'âge et culmine entre 50 et 60 ans, avant le passage à la retraite, selon la Cour des comptes. Le 1 % de Français les plus riches (patrimoine supérieur à 1 million d'euros) détiennent, à eux seuls, 40 % des encours.
· Pourquoi lier l'assurance-vie et la dette sociale ? « Les assureurs et les mutuelles sont intimement liés au système de protection sociale. Il n'est pas incohérent de les solliciter pour rembourser la dette sociale », affirme l'entourage de Christine Lagarde. Le lien n'est toutefois pas évident : dans les faits, le gouvernement a surtout cherché à prélever de l'argent là où les « capacités contributives sont les plus importantes », avoue un conseiller gouvernemental. Les détenteurs d'assurance-vie sont, de fait, parmi les seuls à avoir échappé aux taxes « retraites » (relèvement de la tranche supérieur d'impôt sur le revenu et augmentation de la taxe sur les plus-values). « C'est le complément légitime du plan d'économies annoncé en juin », indique-t-on au gouvernement.
· Les assureurs tentent de négocier des contreparties. La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), qui souligne l'importance de financer les entreprises, tente d'arracher des contreparties, et notamment un allégement de la fiscalité pour les contrats d'assurance-vie de plus de 8 ans. Il demande que la taxe de 7,5 % (lire ci-contre) soit revue en baisse, voire supprimée. Les parlementaires n'y sont pas forcément hostiles, car la mesure aurait l'avantage d'inciter à l'épargne longue, sans absorber totalement le gain fiscal attendu de la CSG-CRDS. Mais Bercy y est farouchement opposé.
Les Echos.