Les quatre groupes de travail chargés de réfléchir à la réforme de la dépendance ont rendu mardi leurs rapports à la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot. Le groupe présidé par Bertrand Fragonard était notamment chargé de réfléchir au financement de la dépendance, qui coûtera 8 à 10 milliards d'euros supplémentaires par an à l'horizon 2030.
Sa principale préconisation est de conserver le socle de solidarité public actuel, et même de l'enrichir. Exit donc la création d'un nouveau régime de Sécurité sociale comme d'un système entièrement financé par l'assurance privée.
Le plafond d'aide de l'APA relevé
Pour ce qui est du maintien à domicile, le rapport propose que le plafond actuel des plans d'aide (délivrés par les départements et incluant l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie) soit relevé, indexé sur les salaires, et aménagé pour pouvoir intégrer l'aménagement du logement. Concernant le reste à charge en établissement, le groupe suggère d'augmenter les allocations logement des personnes dépendantes. Il n'a toutefois pas tranché entre les multiples pistes étudiées, alors que certaines conduiraient à transférer ce coût sur l'Assurance maladie.
Pour financer cette nouvelle offre publique, le groupe propose plusieurs solutions : la création d'une deuxième journée de solidarité, l'augmentation de la CSG des retraités, qui s'alignerait sur celle des actifs, la réduction de l'abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités, etc. Bertrand Fragonard a toutefois reconnu l'absence d'accord sur ces questions au sein du groupe.
Par ailleurs, l'effort public se concentrerait principalement sur les ménages les plus modestes et laisserait aux plus aisés un reste à charge encore importantes. D'où la proposition du groupe de "garantir des produits d'assurance de qualité", par le biais notamment de la création d'un label.
Pistes suivies par le gouvernement
De son côté, Roselyne Bachelot a récapitulé les solutions de financement de la dépendance privilégiées par le gouvernement. Et de rappeler que le Premier ministre François Fillon a exclu l'assurance privée obligatoire et la hausse généralisée de la CSG. Pas question non plus, a-t-elle dit, d'augmenter massivement les cotisations sociales, le gouvernement ne souhaitant pas toucher au coût du travail. Le recours sur succession est abandonné, même si la piste d'une taxation du patrimoine demeure.
Restent également les préconisations du Conseil économique, social et environnemental (CESE), à savoir l'alignement du taux de CSG des retraités (6,6%) sur celui des actifs (7,5%), qui rapporterait 1,7 milliard d'euros et l'instauration d'une taxe de 1% sur les mutations à titre gratuit, pour 1,5 milliard.
Roselyne Bachelot est également revenue sur la journée de solidarité, qui rapporte 2,3 milliards d'euros. "Cette journée pourrait, selon elle, être étendue à ceux qui n'y participent pas aujourd'hui", essentiellement les retraités, pour un gain de 900 millions d'euros. "Une deuxième journée pourrait aussi être créée, sur le modèle de la première (ne concernant que les actifs) ou sur un modèle élargi."
La réforme passera en plusieurs temps, a aussi précisé Roselyne Bachelot. Le budget 2012 de la Sécurité sociale (PLFSS), qui sera voté à l'automne, sera "le support de plusieurs des décisions financières" arbitrées par Nicolas Sarkozy "dans le courant du mois de juillet". Au-delà du PLFSS, des "mesures organisationnelles" pourront être mises en place, a indiqué la ministre. Puis, une partie des préconisations issues du débat public "pourrait être l'objet du débat présidentiel".
L'idée qui monte : un "guichet unique" pour les personnes dépendantes
L'idée paraît bonne sur le papier. L'un des groupes de travail sur la dépendance (chargé de la thématique "Société et vieillissement") préconise la création d'un "guichet unique" qui offrirait aux personnes dépendantes un accès simplifié aux différents dispositifs. Pour Roselyne Bachelot, la ministre des Solidarités "c'est une des propositions particulièrement pertinentes", et pour Marie-Anne Montchamp, sa secrétaire d'Etat, "une idée à retenir et à expertiser".
"Cela serait très utile, mais la mise en œuvre sera compliquée", estime cependant Jean-Marc Aubert, associé du cabinet Jalma (spécialiste de l'assurance de personnes) et expert ayant participé au groupe de travail "Accueil et accompagnement des personnes âgées". "Les raisons en sont structurelles", selon lui. "Il existe en France, une séparation forte entre les soins médicaux et la prise en charge de la dépendance. De plus, les intervenants sont nombreux (départements, Etat, mairies) et les fournisseurs de services éclatés (professionnels de santé libéraux, associations)", souligne-t-il. A cela s'ajoute le poids de la réglementation, qui "a tendance à segmenter encore un peu plus l'offre". "Comment les familles peuvent-elles faire le tri entre des structures qui ont une autorisation et celles qui ont un agrément, par exemple ? Et si l'on créé des solutions d'hébergement intermédiaires entre le domicile et la maison de retraite, seront-elles éligibles aux différentes aides ?", se demande ainsi Jean-Marc Aubert. "Tout cela mériterait d'être simplifié."